La maltraitance financière, dommages moraux et intérêts
Si l’on détecte qu’une personne ainée est victime de maltraitance financière, que faut-il faire et que va-t-il arriver?
Il faut tout d’abord distinguer si cette personne est sous un régime de protection (mandat, procuration, curatelle, etc.) ou si elle ne l’est pas.
Ainé sous régime de protection
Si la maltraitance provient du mandataire, il faut rapporter toute malveillance perçue au curateur public. Ce dernier a un devoir de surveillance des curateurs privés et règlera la question.
Mais si l’on n’est pas parvenu à trouver une personne volontaire et capable de devenir mandataire, il est possible que ce soit directement le curateur public qui s’occupe des finances. Si on considère qu’il ne le fait pas correctement et que nos plaintes formulées à son attention ne sont pas entendues, on peut alors amener la plainte au Protecteur du citoyen, qui est chargé de surveiller les organismes publics comme le curateur.
Aîné autonome
Mais la personne peut ne pas avoir une inaptitude prouvée par une évaluation médicale et être quand même victime de maltraitance financière. Dans ce cas, elle peut être considérée comme une personne vulnérable au sens de l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Il faut respecter l’autonomie de la personne, mais les cas peuvent être suffisamment graves pour qu’il y ait un besoin de la protéger même contre sa volonté.
Dans ce cas, ce sera au Tribunal des droits de la personne de régler la chose. Le public ne peut pas directement déposer une demande à ce tribunal, ill faut déposer notre plainte à la Commission des droits de la personne. Elle fera enquête et si elle juge la plainte fondée, c’est alors qu’elle ouvrira une cause au tribunal à ses frais.
Il est possible que la Commission trouve la plainte fondée mais décide de ne pas la présenter au tribunal pour diverses raisons. Si le plaignant original est intéressé à initier sa propre poursuite à ce stade, la Commission pourra lui remettre une lettre autorisant cette personne à faire appel au tribunal elle-même, mais il faut réaliser que les frais seront alors à la charge de cette personne.
Condamnations
Comme tout tribunal, le Tribunal des droits de la personne peut condamner la personne fautive à réparer le dommage causé, donc si le fautif a prélevé sans droit 15 000$ du compte d’un parent aîné, il devra bien sûr rembourser ce montant.
Le juge peut également exiger des sommes supplémentaires sous deux formes : les dommages moraux et les dommages exemplaires (aussi appelés dommages punitifs)
Les dommages moraux
Ils visent à compenser les dommages qui ne sont pas pécuniaires, notamment, l’inquiétude et la tristesse de la personne agée qui se rend compte qu’elle a été trompée par un membre de sa famille. Les Tribunaux ont décidé que les dommages moraux ont une valeur subjective et qu’il n’est pas nécessaire que la victime se rende même compte de la maltraitance.
Les dommages punitifs
Au Québec, il n’y a que trois situations où l’imposition de dommages punitifs est permise : le Code civil permet d’en donner aux locateurs, la Loi sur la protection du consommateur permet d’en infliger aux commerçants et la Charte des droits de la personne permet de condamner les fautifs qui ne respectent pas les droits fondamentaux.
Il s’agit d’une punition avec une effet dissuasif, on veut décourager le fautif ou toute autre personne de reprduire cet acte. Pour établir cette pénalité, il faut établir la preuve que le fautif a agi avec une intention malveillante, pas seulement par insouciance ou incompétence. La punition tiendra compte du niveau de richesse de la personne fautive afin d’être dissuasive à la récidive.
Conclusion
Dans les deux cas, les sommes exigées ne vont pas à l’état, mais à la victime. Il faut établir un montant pour ces deux dommages lorsqu’on introduit la demande, car le juge ne peut pas décider de la somme à accorder. Il peut offrir moins que ce qui est demandé, mais pas plus. Il ne faut pas exagérer, car le principe reste qu’une Cour de justice est là pour réparer, pas pour causer un enrichissement des victimes. Trop demander serait mal vu par le juge. Les montants reçus en dommages ne sont généralement pas imposables, la Cour suprême les ayant déclarés neutres fiscalement.